Je m’appelle Bastien DELESALLE, né en 1984 dans le Nord de la France. Enfant, je rêvais de voyages en secret. Je regardais les planisphères en cachette. En songes, je m’imaginais l’Italie, le Japon ou encore le Pérou. Déjà, je me voyais faire le tour de Monde mais en avion.
En grandissant, j’ai sagement écouté la société: bonnes études et travail. J’ai oublié mes rêves et développé une belle carrière pendant huit ans. Une réussite aux yeux des gens. J’en étais moi-même convaincu. Jeune, bien payé, je pouvais voyager aux quatre coins du Monde sans me préoccuper de l’argent. Ma seule limite: cinq petites semaines de congés payés par an. J’arrivai en conquérant au Venezuela. Une famille m’y invita à dîner. Ils avaient trois poules, cuisinèrent trois œufs, m’en servirent deux et partagèrent le dernier entre les cinq membres de leur famille, heureux de m’offrir le peu qu’ils possédaient. J’avais honte, en France, je dépensais une fortune en faisant la fête égoïstement tous les week-ends.
Devenu un expert dans mon travail, je construisais des immeubles de plus en plus haut. Pendant ce temps, Younse, 20 ans, était heureux aussi loin que son regard puisse se porter à l’horizon sur l’immense étendue de sable du Sahara. Dans le silence de la nuit, en observant la voûte céleste, il me parlait de philosophie et des grands écrivains français. Il les avait tous lus. Pas moi, j’étais trop occupé à me remplir les poches. En estimant avoir participé à bétonner la planète sur une surface équivalente à 30.000 terrains de football, soit une superficie de quinze kilomètres sur dix, les réalités du Monde se confrontaient aux miennes. J’étais totalement désorienté. Mon licenciement fut un cadeau, une libération: un signe de la vie.
Sans travail, je pris la décision de partir vivre en Australie. J’étais transi de peur, mais je mis mon plan à exécution en me débarrassant de tous mes biens. Le jour du grand départ arriva. J’embarquai dans la voiture familiale. Je ne savais plus si j’avais pris la bonne décision, mais il était trop tard pour revenir en arrière. Il ne me restait plus qu’à faire le pas le plus difficile: PARTIR. Sur le trajet, la tension était palpable. Personne ne savait quoi dire. Mon père me déposa sur le bord de l’autoroute où une voiture m’attendait pour m’emmener à l’aéroport. J’ai pris mon sac, embrassé ma famille, personne ne savait quoi dire. Je suis monté dans l’autre voiture en faisant un dernier signe à mes parents. Le chauffeur démarra. La peur s’effaça. J’étais triste et heureux à la fois. J’avais 27 ans et je m’envolais vers l’inconnu.
Mon aventure au pays des kangourous fut brève et intense. Enchaînant aventures et petits boulots, j’étais enfin libre. Puis il y eut cet accident qui allait changer ma vie pour toujours. En une seconde, tout bascula. Quintuple fracture du bassin, double pneumo-thorax, j’étais brisé de la tête aux pieds, du corps à l’âme. J’avais entrepris ce voyage pour être en vie, j’étais maintenant aux portes de la mort. Mon instinct de survie luttait, et je sortis du coma, jambes paralysées, à 15.000 kilomètres de chez moi.
Après trois mois immobile dans un hôpital australien, je rentrai finir ma convalescence en France. Ma famille, impuissante, m’observera gémir de douleur pendant sept mois. Personne ne pouvait partager ma souffrance physique. Seule leur présence réussissait à soulager un peu mon quotidien quand j’ouvrais les yeux. Je passais tout mon temps à dormir. La tristesse emplissait leur regard. Je puisais dans chacun d’eux la force nécessaire de sortir de mon lit pour me rendre chez mon kiné quotidiennement.
Cette épreuve me rapprocha de ma famille pour toujours. Mais lorsque le médecin annonça mon rétablissement terminé, je repris naturellement la Route. Comment pouvais-je infliger autant d’angoisse à mes parents ? Un 31 décembre, avec une grande appréhension, je tendais le pouce de nouveau, sans oublier d’emporter mes béquilles. Confronté à la nouvelle réalité de mon corps, ce fut le plus gros échec de ma vie. Trois semaines plus tard, alors que je me trouvais désormais en Espagne, je capitulais. Mes jambes ne voulaient plus avancer. J’étais abattu, mais pas encore vaincu.
Je me souvins du conseil de mon kiné: « Fais du vélo tous les matins ». De retour en famille, je dépoussiérai un vieux vélo destiné à la poubelle. Une semaine plus tard, je reprenais la Route. A 28 ans, j’étais déterminé à vivre. La magie opéra: en pédalant, les douleurs disparaissaient. C’était un miracle. Il ne m’en fallait pas plus pour me convaincre de continuer. Bastien le nomade était de retour.
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