Je pédalais un jour en Bulgarie où il est très facile de trouver de l’eau potable puisque les sources abondent sur le bord de la route. Confiant, j’attaquai l’ascension d’un col de montagne sans réserve d’eau malgré la chaleur. La montée fut plus longue que je l’imaginais et je commençais à avoir sérieusement soif. J’étais cerné de forêts accueillantes, avec une vue splendide à chaque virage, dans le calme absolu, sans un village alentour: les lieux étaient paradisiaques pour planter la tente. Fatigué, je voulais m’arrêter. Ironie du sort, ce jour-là, pas une seule source en vue depuis plusieurs dizaines de kilomètres. Sans une seule goutte d’eau sur le vélo, je n’avais alors pas le droit de m’arrêter avant d’en trouver. J’ai dû puiser dans mes ressources physiques pour enfin atteindre une source bien cachée où je camperai. J’étais assoiffé et sentir l’eau fraîche dans ma bouche, puis le long de ma gorge et mon œsophage, jusqu’à atteindre mon estomac, m’a empli d’un bonheur intense. Je n’ai jamais été aussi heureux de boire.
Là où il suffit d’ouvrir un robinet pour boire sans danger, les préoccupations des gens sont loin de celles des 3 à 4 milliards de personnes à travers le Monde qui utilisent encore au quotidien une eau de qualité douteuse. Même si au début du XXIème siècle, 2 milliards de personnes supplémentaires ont désormais accès à un point d’eau « amélioré » (borne fontaine, puits), les distances journalières à parcourir par ces populations pour y accéder restent grandes. Femmes et enfants, chargés de la collecte de l’eau, y consacrent un temps colossal. Cela empêche les enfants d’aller à l’école et les femmes de s’en occuper ou de travailler. Le problème de l’eau est un réel frein au développement.
Transporter beaucoup d’eau sur un vélo est handicapant. Boire et cuisiner sont des priorités, mais l’eau sert aussi à se laver ou à nettoyer les vêtements. Quand l’eau manque, avoir une bonne hygiène de vie peut s’avérer compliqué. Connaissant la valeur de l’eau et son extrême fragilité, j’ai appris à en économiser la moindre goutte et à ne jamais la polluer chimiquement ou avec mes excréments. Dans de nombreux pays encore, par manque de collecte des déchets, de système d’assainissement ou pire, de latrines, la pollution de l’eau est à l’origine de maladies graves.
Il faut ajouter à cela des problèmes de quantités. Pour une fois, Mère Nature a commis une erreur. Les ressources en eau douce à l’échelle mondiale semblent être suffisantes mais très inégalement réparties. Seuls neuf pays au Monde se partagent 60% des réserves mondiales d’eau douce. D’un pays à l’autre, la quantité d’eau disponible est très peu équitable. Par exemple, un habitant de la Palestine doit vivre avec 10.000 fois moins d’eau qu’un habitant de l’Islande où les ressources sont pléthoriques. L’eau, désormais surnommée « l’or bleu », pourrait, après le pétrole, créer des tensions à l’échelle internationale et devenir un déclencheur de guerre. Il faut s’attendre à une pénurie d’eau dans le futur.
La Terre connaît déjà et va connaître un essor démographique encore plus important dans le siècle à venir. La population mondiale va devoir se partager une quantité d’eau potable stable voire en baisse. En effet, sans parler du réchauffement climatique qui risque d’accentuer le problème de raréfaction de l’eau, les réserves mondiales sont déjà surexploitées, gaspillées et polluées.
En France, le CNRS, Centre National de la Recherche Scientifique, explique:
« S’il est possible de puiser sans compter dans la réserve annuelle d’un cours d’eau, l’exploitation des nappes phréatiques est plus délicate. Certaines ne se renouvellent déjà plus et continuent pourtant d’être exploitées avec excès. Leur épuisement semble inévitable. L’irrigation en est la principale cause, mais le gaspillage domestique représente aussi un danger, et il peut être grand. Il croît avec le niveau de vie des populations. En Europe, nous consommons déjà 8 fois plus d’eau que nos grands-parents pour notre usage quotidien. De même, un habitant de Sydney consomme plus de 1000 litres d’eau potable par jour, alors que dans certains pays en développement, la consommation moyenne par habitant ne dépasse guère quelques litres. De plus, globalement, seuls 55% des prélèvements en eau au milieu naturel sont réellement consommés. Dans certaines grandes villes d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique Latine comme Le Caire ou Mexico, jusqu’à 70% de l’eau distribuée est perdue par fuite dans les réseaux. Cette augmentation globale de la consommation a pour conséquence des problèmes de qualité de l’eau puisque les rejets d’eaux usées sont alors eux aussi plus importants. Ceux-ci polluent et dégradent les écosystèmes aquatiques de façon parfois impressionnante. Cette pollution grave pourrait rendre les réserves progressivement inexploitables. »
source: 2017, CNRS français, Centre National de la Recherche Scientifique.
Plus l’eau se fait rare, plus les dérives spéculatrices apparaissent, faisant ainsi grimper le prix de l’eau qui devient encore plus inaccessible pour des populations démunies déjà en situation de « stress hydrique ». Privatisation de l’eau ou « bien de droit commun », les Hommes politiques n’ont toujours pas fait leur choix entre profit et bien-être de l’Humanité. Déjà précaire dans certaines régions du globe, la question de l’eau devient chaque jour un peu plus préoccupante, et la situation ne pourrait qu’empirer dans les décennies à venir, jusqu’à devenir irrémédiable. Triste constat.
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