Le canal des Deux Mers | Bastien Delesalle
Bastien Delesalle

Le canal des Deux Mers

Le canal des Deux Mers (Véloroute de l’Entre-Deux-Mers) dont la réputation n’est plus à faire est composée du mythique Canal du Midi et de son petit frère le Canal latéral de la Garonne. Pourtant, pour ceux qui ne les ont jamais empruntés, ils peuvent réserver quelques surprises. Empruntés par tant de cyclistes l’été, on se les imagine facile, mais une fois au bord de l’eau, il faut pourtant être préparé tant les pièges dont ils regorgent peuvent être nombreux, notamment sur le Canal du Midi.

J’ai souhaité écrire cet article pour prévenir ceux qui, pensant aborder une balade décontractée, risquent de regretter d’être partis la fleur au fusil. Bordeaux et Narbonne sont distantes d’environ 400 kilomètres, et il faut donc environ 8 jours, suivant votre entraînement, pour rallier l’Océan Atlantique à la mer Méditerranée. La tramontane, vent violent venant du Nord / Nord-Ouest, incite naturellement le cycliste à parcourir le Canal du Midi en se dirigeant vers le Sud-Est, la Catalogne et le Languedoc-Roussillon plutôt que l’inverse.

Jour 1 : Venant d’Angoulême, j’ai suivi un cap plein sud pour croiser le Canal latéral de la Garonne aux alentours de Marmande, au Mas d’Agenais plus précisément, un petit port où l’on peut directement se ravitailler en eau …

Ce jour-là, une légère pluie brumeuse rendait l’atmosphère humide et désagréable, à laquelle il fallait ajouter un léger vent de face. La piste, recouverte d’un très fin gravier jaunâtre, est assez roulante. Le canal, totalement rectiligne, est d’une monotonie déconcertante. C’est assez déroutant de passer de la route vallonnée et jalonnée de voitures au canal plat et vide de toute âme qui vive en plein hiver.

Jour 2 : Faisant halte à Agen pour la nuit, je repartis le lendemain sur un parcours plus agréable, plus ensoleillé et moins monotone que la veille. Au passage du fameux pont-canal d’Agen, ce tronçon du canal ayant été asséché, ce fut peut-être encore moins rassurant de voir le fond du canal plutôt que de rouler au bord de l’eau …

Canal vide

Quelques tronçons en travaux m’obligèrent à parfois quitter le canal. La journée, plus belle que la veille malgré le froid, m’emmena facilement jusqu’à la ville de Castelsarrasin, sans manquer de m’arrêter à Moissac. Je fus surpris par la difficulté à me procurer de l’eau alors que je passais mes journées entières au bord de celle-ci.

Jour 3 : J’ai quitté le Canal latéral de la Garonne quelques kilomètres pour le retrouver à St Porquier. Le revêtement est désormais bien différent. Asphalté, très roulant, il faut malgré tout rester sur ses gardes car quelques racines peuvent traîner ci et là. Entre Pompignan et Saint-Jory, la voie est parsemée de rustines de bitume, mais ce ne sera peut-être plus le cas quand vous y passerez. De nombreux marcheurs se baladent souvent avec leur chien sur la fin de ce tronçon, et en été, à la période de forte affluence, cela peut rendre la circulation difficile …

Jour 4 : Il reste 20 kilomètres à parcourir pour rejoindre Toulouse, la ville rose, et le calme et le décor paisible de l’eau bordée d’arbres laissent subitement place au vacarme du périphérique, aux bâtiments industriels et aux SdF qui vivent sous des abris de fortune le long du canal. L’asphalte est désormais par endroits totalement démoli jusqu’à l’entrée de la banlieue habitée de Toulouse et ses quais qui nous emmènent facilement au centre-ville. Il faut quitter le canal pour s’y rendre. J’y suis un 1er janvier et la ville semble vide, calme, agréable, comme jamais … Je n’aurai pas beaucoup roulé ce jour, prenant le temps de flâner. En repartant sur des quais bondés, le port Sud et sa capitainerie à quelques kilomètres, marque à Ramonville, le véritable début du Canal du Midi. J’y passerai la nuit sur une péniche accueilli par un couple de nomades amarré là depuis la veille … Merci à eux pour cette première nuit de ma vie sur l’eau !!!

Jour 5 : J’entame mes premiers tours de pédale sur le Canal du Midi. Celui-ci me réserve sa plus belle parure. Les fortes gelées du matin ont figé l’eau et couvert les arbustes jalonnant le canal de milliers de toiles de cristal. Rouler sur cet asphalte parfaitement entretenu déroulé spécialement pour les cyclistes par le département de la Haute-Garonne se révèle d’une facilité déconcertante. L’autoroute souvent trop proche à mon goût, installant un bruit de fond incessant que l’on finit par oublier, offre aux cyclistes ses aires de repos partagées. Sur ce tronçon, vous trouverez de l’eau tous les 10 à 15 kilomètres maximum et même à la halte sanitaire d’Emborel, des WC et lavabos. C’est le paradis du cycliste. Je comprends désormais le mythe. Les méandres jalonnés de platanes malades procurent au Canal du Midi un charme particulier, attirant et loin d’être monotone … Alors que le dégel s’amorce, les platanes, avant de disparaître rongés par leurs champignons maudits, tentent de m’assommer en m’envoyant de grosses gouttes frigorifiques qui me tombent sur le nez ou dans le cou …

Canal du midi

Puis soudain, après le port de Lauragais, plongeant dans un sous-bois puis quittant la Haute-Garonne en passant sous un pont, c’est le début des ennuis. C’est ici, que, si vous voulez continuer le parcours et rallier la mer Méditerranée, vous devez faire attention, surtout si vous circulez avec des enfants.

J’attire votre attention sur le fait que j’ai parcouru le canal du Midi en plein hiver, avec des gels et des dégels consécutifs et que les sols étaient sans doute dans un état abominable que vous ne rencontrerez pas si vous parcourez le Canal du Midi en plein été … mais … si vous passez en été après une période de plusieurs jours de pluies consécutifs ou un fort orage, il se pourrait que vous retrouviez des conditions similaires, d’autant qu’en été, le passage répété des cyclistes doit fortement endommager le parcours …

A ce moment de votre balade, vous entrez dans le département de l’Aude … et très rapidement, vous arrivez au niveau de l’écluse de l’Océan. Vous devez alors passer du côté droit du canal.
Le chemin change radicalement d’aspect. Vous passez de l’asphalte entretenu au chemin de terre … le Canal du Midi dans le département de l’Aude est sauvage. Après m’être longtemps demandé si c’était volontaire de la part des élus locaux de laisser le parcours naturel sans dérouler de tapis rouge aux cyclotouristes ou si c’est un manque de budget qui les poussent à ne pas agir, un riverain me donne l’élément de réponse suivant: « le département ne semble pas s’être penché sur la question … » (ce dont je doute).
En attendant, il faut faire ainsi et les amoureux de nature apprécieront, pendant que les cyclistes du dimanche en souffriront !!!

Durant les premières centaines de mètres, peu de choix. Vous devez rouler au bord du canal, parfois trop près de l’eau. Par la suite, il arrivera que vous ayez le choix entre rouler au bord de l’eau, ce qui vous vaudra sûrement quelques frayeurs, ou emprunter le chemin qui surplombe le canal, mais qui n’existe pas toujours. Au moment de mon passage, ce dernier était souvent trop boueux pour que je l’emprunte.

Choix du chemin

Une famille française voyageant à vélo avec 3 enfants m’a dernièrement fait penser que l’unique trace de roue sur le chemin rend très difficile l’accès aux remorques permettant aux petits enfants d’être confortablement installés pendant le voyage … ils risquent de souffrir des incessants et violents ballotages que les cailloux, les racines et les trous vont leur faire subir. C’est déjà pénible à la longue pour le cycliste lui-même.
De plus, considérant que certains cyclistes rouleraient peut-être en sens inverse, je n’ose pas imaginer les difficultés qui pourraient survenir.

Boue

Cette partie la plus coriace et la plus sale ne dure qu’une petite dizaine de kilomètres. La poterie NOT marque la fin de ce déluge et vous emmène jusqu’au lieu-dit de La Planque, avec sa magnifique demeure sur votre droite. En ces lieux vivent 4 frères et soeurs à la tête d’une famille de 70 personnes (occupant à eux tous la totalité du village), héritiers de l’ancien maire du bourg de Castelnaudary au XVIème siècle. C’était là son pavillon de chasse …

Jour 6 : Du lieu-dit de La Planque à la ville de Castelnaudary, il ne vous restera plus que quelques kilomètres à parcourir sur une piste en meilleur état. La ville et son port vous accueillent et vous retrouverez un asphalte très mal entretenu …
En sortant du port, vous repasserez côté gauche du canal pour une longue journée de plus sur un terrain accidenté et parsemé d’embûches … Pensez à vous procurer de quoi boire, car les points d’eau seront quasiment inexistants désormais …
Une forte tramontane m’aidait à avancer, mais de toute façon sur ce tronçon, il est difficile de rouler à toute allure pour un cyclotouriste. Il est nécessaire de prendre son temps, de profiter de la Nature, mais surtout de rester attentif aux moindres détails. De nouveau, la meilleure option pour moi fut d’emprunter le chemin bordant le canal souvent très très proche de l’eau et jalonné de grosses racines et de pierres, pouvant être dissimulées sous un tapis de feuilles mortes et glissantes suivant la saison. Heureusement, parfois, la piste s’améliore quelque peu pour vous laisser souffler et reprendre vos esprits, mais cela ne dure jamais bien longtemps. Le passage sur la D71 pendant quelques centaines de mètres vous offrira un cours répit et vous donnera l’impression d’avoir des ailes tellement rouler sur l’asphalte vous semblera facile. Parfois, entre deux écluses, sur l’autre rive, il existe une alternative asphaltée, mais cela reste rare et court.
Soudain, un panneau vous indique la fin de la piste et vous arrivez sur un pont qui vous indique que vous êtes sur le Canal du Midi si vous ne le saviez pas encore. Vous approchez de Carcassonne, courage. A ce moment, si le chemin a eu raison de votre volonté, vous pouvez emprunter la départementale qui vous emmènera pendant 15 kilomètres vers Carcassonne et sa somptueuse cité médiévale. Si la tramontane vous pousse, cela ne vous prendra que quelques coups de pédales. En revanche, les voitures elles-aussi semblent filer à toute allure …
Parce que je ne me laisse pas si facilement abattre, et pour pouvoir finir ce compte-rendu, j’ai choisi de rester le long du canal. Sur sa fin, ce tronçon est certainement le plus joli et le plus sauvage … Profitez de ces derniers kilomètres, car si vous arrivez à Carcassonne en été et souhaitez visiter la Cité Médiéval, il faudra vous armer de patience et vous frayer un passage dans la masse des gens circulant dans les ruelles étroites … Personnellement, en plein hiver, je pouvais y circuler à vélo sans aucune difficulté, et j’ai pu apprécier à sa juste valeur son immensité qui m’a surpris …

Jour 7 : J’avais décidé d’aller faire un tour dans la montagne toute proche, et c’est pour cette raison que cette journée marqua mes derniers kilomètres sur le Canal du Midi. Je le quittai à Trèbes après seulement 8 kilomètres sur une piste dans un état convenable … Vous pouvez rallier la ville de Narbonne le soir-même, et il existe même des possibilités pour rallier Perpignan en traversant les étangs de l’Ayrolles et de la Berre …

Durant plusieurs centaines de kilomètres, j’ai passé mes journées bien seul le long du Canal latéral de la Garonne et du Canal du Midi, ne croisant que quelques cyclistes locaux et promeneurs habitués … en été, il faut sûrement prendre en compte le fait que le parcours grouille de cyclistes attirés par le mythe …

Tout bien considéré, il ne s’agit que de quelques jours alternant galère et plaisir, mais vous en sortirez sans doute possible fiers et heureux d’avoir parcouru le Canal des Deux-Mers, et donc le Canal latéral de la Garonne et surtout le Canal du Midi …

Soyez prudents, respectueux de l’environnement et profitez de ces jolis canaux.

Pour moi, la Route continue à l’assaut des Pyrénées en direction de l’Espagne …

 

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