Si certains l’ont déjà fait, voyager sans argent reste utopique, pour moi uniquement viable sur le court terme. Une fois en Europe, durant un mois en auto-stop, je n’ai pas dépensé un seul centime, arrivant même à destination avec 40€. J’ai renouvelé cette expérience à vélo, voyageant pendant 3 mois avec seulement 5€ en faisant les poubelles des magasins pour me nourrir. Mais voyager sans argent peut devenir malsain. En effet, le risque est d’aller vers les gens dans l’unique but qu’ils vous nourrissent, faussant la sincérité de la rencontre et le plaisir du partage.
Comment fais-tu pour l’argent ?
C’est une question quotidienne qui m’a été posé dans toutes les langues. Dans l’imaginaire des gens, voyager coûte cher. Pourtant, la réalité est toute autre et faire le Tour du Monde ne veut pas dire vivre dans le luxe, bien au contraire: Voyager, c’est sortir du schéma habituel de la société de consommation. En acceptant de perdre en confort, tout devient possible. Au Japon, pour mon premier voyage, j’étais un vrai touriste. J’ai pris l’avion, je dormais à l’hôtel, mangeais au restaurant. Deux semaines ainsi à Tokyo m’ont coûté près de 3500€. Dix ans plus tard, armé d’un vélo et d’expérience, voyager avec 2000€ par an était devenu une formalité. Tenir ce budget nécessite des concessions, mais la seule chose matérielle qui me manque vraiment, ce sont les livres. Pour moi, le sentiment de richesse ne dépend pas forcément des chiffres, mais surtout de la Liberté d’organiser une existence qui a du sens. L’argent aide un peu évidemment. Ci-dessous le budget détaillé de mon grand tour d’Europe.
Budget 2020: 1610€
Pays visités: Grèce, Italie, France, Monaco, Andorre
Grandes lignes du budget 2020: encore une année très spéciale marquée par la crise du Covid-19. Je me suis confiné deux mois chez mes parents logé et nourri. Sur les dix mois de voyage restants, ce fut une année plutôt classique à mes habitudes, au détail près que c’est la première année où je gagne plus d’argent que j’en dépense. Coût assurance voyage quasiment nul car j’ai beaucoup roulé en France. Côté vélo: rien à signaler !
Argent gagné en Route 1925€
Dons, Musique, Photos: 150€
Dons en ligne : 395€
Dons famille : 530€
Vente livres : 850€
Détail dépenses 1610€
Assurance voyage: 65€
Frais bancaires: 110€
Vie quotidienne: 1435€
Détail dépenses vie quotidienne 1435€
Nourriture: 835€ (inclus combustible 11€)
Boissons: 20€ (alcool)
Hygiène: 0€ (offert par la population en général)
Santé : 10€ (argile verte soins genoux)
Communication: 55€ (envoi carnet de voyage famille)
Transport: 120€ (trains confinement)
Visites et loisirs: 80€ (château de la Loire en famille)
Mécanique vélo: 55€
Matériel bivouac: 170€ (nouveau duvet notamment)
Matériel électronique: 0€
Visas: 0€
Cartes: 0€
Autres / Divers: 90€ (tabac)
Budget 2019: 1690€
Pays visités: Italie, Albanie, Grèce, Chypre, Royaume-Uni, Irlande
Grandes lignes du budget 2019: année spéciale marquée par deux opérations chirurgicales et cinq mois de convalescence logé et nourri. Sur les sept mois de voyage restants, j’ai pris beaucoup de ferry et j’ai du prendre l’avion à deux reprises. Coût assurance voyage fortement en baisse. Autrement, j’ai continué de voyager à très petit budget. Côté vélo: une paire de roues, un paire de pneus, un nouveau compteur, ça fait beaucoup.
Argent gagné en Route 755€
Dons, Musique, Photos: 330€
Dons en ligne : 125€
Don famille : 300€
Economies : 1235€
Grandes lignes du budget 2018: ma petite amie rencontrée sur la route en 2018 m’a redonné la motivation de récupérer de nouveau la nourriture gaspillée dans les poubelles des magasins, chose que j’avais un peu oublié. Nous avons voyagé dans les pays les plus riches et chers d’Europe. Nous avons aussi pris énormément de ferry et j’ai aussi repris la cigarette. Côté vélo: une année parfaite sans aucune dépense ou presque.
Argent gagné en Route 385€
Dons, Musique, Photos: 385€
Economies : 880€
Détail dépenses 1265€
Assurance voyage: 230€
Frais bancaires: 120€
Vie quotidienne: 915€
Détail dépenses vie quotidienne 915€
Nourriture: 380€ (inclus combustible 29€)
Boissons: 25€ (alcool)
Hygiène: 0€ (offert par la population en général)
Communication: 20€ (envoi carnet de voyage famille)
Transport: 305€ (beaucoup de ferry et quelques trains)
Visites et loisirs: 0€
Mécanique vélo: 15€
Matériel bivouac: 70€
Visas: 0€
Cartes: 10€
Autres / Divers: 90€ (principalement cigarettes)
Grandes lignes du budget 2017: une année de réelle découverte dans la moitié la plus pauvre de l’Europe. Visa cher en Biélorussie. Passeport à renouveler. Sites touristiques payants. Visites de villes en transport en commun. Cartes routières à acheter (offices de tourisme et bibliothèques rares). Amélioration de mon alimentation. Côté vélo: transmission à entretenir, cassette cassée, jeu de direction abîmé, 2 pneus totalement usés.
Argent gagné en Route 330€
Dons, Musique, Photos: 330€
Economies : 1665€
Détail dépenses 1995€
Assurance voyage: 575€
Frais bancaires: 120€
Vie quotidienne: 1300€
Détail dépenses vie quotidienne 1300€
Nourriture: 780€ (inclus combustible 24€)
Boissons: 5€ (alcool)
Hygiène: 0€ (offert par la population en général)
Communication: 20€ (envoi carnet de voyage famille)
Transport: 40€ (bus Istanbul-Ankara aller-retour)
Visites et loisirs: 15€
Mécanique vélo: 235€
Matériel bivouac: 10€
Visas: 180€ (80€ visa Biélorussie + 100€ passeport)
Cartes: 15€
Budget 2016: 2545€
Pays visités: Belgique, Hollande, Allemagne, Danemark, Suède, Norvège, Pologne, République Tchèque, Slovaquie, Hongrie, Slovénie, Croatie
Grandes lignes du budget 2016: une année pleine d’imprévus. Matériel de voyage à racheter. Rappels de vaccins. Nombreux ferries à emprunter. Côté vélo: beaucoup de problèmes. Transmission fatiguée, une roue cassée et des freins mis à rude épreuve à cause des pentes et de la météo.
Grandes lignes du budget 2015: une année de référence. Pas de dépenses imprévues. Nourriture récupérée dans les poubelles des magasins.
Nourri et logé gratuitement pendant 4 mois tout cumulé sur l’année. Côté vélo: aucun problème technique.
Argent gagné en Route 95€
Dons, Musique, Photos: 95€
Economies : 1015€
Détail dépenses 1110€
Assurance voyage: 450€
Frais bancaires: 120€
Vie quotidienne: 540€
Détail dépenses vie quotidienne 540€
Nourriture: 390€ (inclus combustible 40€)
Hygiène: 0€ (offert par la population en général)
Communication: 40€ (envoi carnet de voyage famille)
Transport: 5€
Visites et loisirs: 10€
Mécanique vélo: -20€ (vente pièces de vélo recyclées)
Matériel bivouac: 60€ (pompe réchaud MSR cassée)
Autres / Divers: 55€ (don SdF et cigarettes)
Ce que nous disent les chiffres:
Réduire ses dépenses réclame un travail permanent. Mon budget de 1800€ en moyenne par an, basé sur les prix européens, réussit à surprendre les voyageurs les plus économes que j’ai pu rencontrer. Pourtant, en faisant quelques efforts supplémentaires, je sais que je pourrai encore faire mieux: si, je m’appliquais à récupérer encore plus la nourriture gaspillée par les magasins, si, je prenais le temps de faire du bateau-stop au lieu de payer les ferries pour traverser les mers, si, j’accélérais mon apprentissage au sujet des ressources naturelles utilisables (cueillette, pêche, chasse), etc … En notant toutes vos dépenses par catégorie dans un carnet, vous apprendrez rapidement à identifier ce qui vous coûte cher et cela vous aidera à réduire votre budget au fur et à mesure. Tout est question de discipline, de patience, de volonté, d’inventivité et de débrouillardise. Ajoutez-y un peu de chance et vous serez bientôt capable de venir à bout de presque toutes les situations sans ouvrir votre porte-monnaie.
Petit budget pour plus de plaisir et de liberté.
Cuisiner des produits frais tous les jours sans exception permet de manger sain et équilibré sans forcément se ruiner. Faire les poubelles des supermarchés encore moins. Dans les magasins, achetez avec bon sens et évitez de flâner en allant à l’essentiel. Plats préparés et sucreries sont à bannir. Sans viande, ni alcool ni tabac, il est tout à fait possible d’être en bonne santé avec moins de 1000€ par an. La nourriture représente environ un tiers de mon budget annuel.
Se déplacer à pied ou en auto-stop ne coûte pas un centime. Un vélo réclame un minimum d’entretien. Avec 10% de mon budget annuel, je peux équiper le mien avec du matériel milieu de gamme. Le train et l’avion peuvent vite faire exploser la facture. Quand c’est inévitable, je privilégie le ferry, et c’est un autre 10% de mon budget qui disparaît.
Je prends grand soin de mes affaires mais cela n’empêche pas toujours la casse dans un voyage Nature engagé en été comme en hiver. Pour moi, l’entretien de l’équipement c’est de l’ordre de 5% pour mon matériel de bivouac et plutôt 10% pour mes appareils électroniques.
Ma règle « Ne jamais payer pour dormir » est parfois contraignante mais depuis 2011, j’y suis toujours parvenu. Je dors habituellement sous tente, dans les maisons abandonnées ou en construction et, en ville (où je passe peu de temps), les réseaux WarmShower et CouchSurfing aident. Ne pas me jeter sur le premier hôtel venu me permet surtout de faire de belles rencontres.
Je suis toujours parti avec une assurance voyage qui représente 25% de mon budget annuel. C’est énorme, mais 150.000€ de frais médicaux lors de mon accident de voiture en Australie m’ont appris à accepter que cet argent n’était pas totalement jeté par les fenêtres.
Depuis 2018, l’assurance AVI a décidé de soutenir « No Mad’s Land » en lui offrant un partenariat avec son contrat Marco Polo.
L’entrée des sites touristiques coûte cher. Contempler la Nature reste gratuit (sauf quand l’Homme l’a privatisée), alors profitez de sa beauté.
Mes frais bancaires sont maîtrisés grâce à un accord avec ma banque. Sans cela, attention à la facture, car les frais de retraits et de paiements à l’étranger sont très onéreux. Mes cotisations bancaires représentent environ 5% de mon budget annuel.
Visas et vaccins sont quasiment inexistants en Europe. Ces dépenses inhérentes au voyage représentent pour moi 5% de mon budget annuel, mais ce sera beaucoup plus sur les autres continents. Gardez une enveloppe de secours pour les imprévus.
Comment payes-tu tes voyages ?
Plutôt que de travailler beaucoup pour gagner de l’argent, je préfère vivre sobrement pour dépenser le moins possible. C’est la base de ma réflexion sur l’argent. J’avais pourtant travaillé longtemps avant de devenir nomade, moi aussi, par peur de manquer d’argent et j’ai donc réussi à faire quelques économies. Mais très vite, j’ai compris qu’en me contentant de peu, il n’allait pas être très compliqué de m’assumer financièrement sur la Route. Partant du principe que « les petits ruisseaux forment les grandes rivières », en jouant un peu d’harmonica dans la rue, en vendant des photos, mais surtout en rendant de petits services aux gens que je rencontre, je parviens à trouver le peu d’argent dont j’ai besoin. Mais j’ai aussi la chance que la générosité des gens envers moi dépasse parfois les limites de l’entendement et qu’ils m’offrent de l’argent. Je ne les remercierai jamais assez. Cela me donne tant espoir en l’avenir de l’Humanité. Pour autant, je n’ai jamais attendu des autres qu’ils payent mes voyages, et je crois que voyager en Europe, continent relativement riche, est une des clé de ma réussite actuelle.
Voyager sans argent, un travail à temps plein.
Il faut aussi savoir être inventif et avoir une certaine audace. « Tu sais te servir d’une tronçonneuse ? » m’a t’on demandé un jour. « Evidemment » répondis-je en masquant mon appréhension. L’Homme cherchait un bûcheron pour nettoyer une parcelle de sa petite forêt. Il me demanda de l’aider. Tondre des pelouses, prendre soin de chevaux, démonter des toitures, faire de la peinture, de la plomberie, de l’électricité, … J’ai la chance d’être habile de mes mains et de pouvoir offrir mon aide dans de nombreux domaines. J’ai quand même refusé une fois de devenir jardinier alors que la tâche était simple: il me suffisait de surveiller l’arrosage automatique de 100 pieds de cannabis. La villa de fonction avec vue sur la mer et le salaire de 5000€ mensuel étaient pourtant alléchants.
LISTE NON-EXHAUSTIVE DES SERVICES RENDUS AUX GENS EN CHEMIN …
Plutôt que d’utiliser le mot travailler, je préfère dire que je rends des services aux gens que je rencontre, et que parfois, ils me le rendent bien en me glissant un petit billet dans la poche pour soutenir mon voyage. Mon temps n’a pas de taux horaire, le plaisir que je retire dans l’aide que je donne a plus d’importance à mes yeux. Je peux passer 10 minutes à couper une pelouse et me voir offrir 50€ ou repeindre une chambre pendant 3 jours et ne recevoir en échange que quelques pièces. C’est au gens de décider la valeur du service que je leur ai rendu et si je mérite un petit billet ou pas. Je « travaille » avant tout pour faire plaisir aux gens, arrive ensuite ce qui arrive.
↠ Vendange sous contrat en Australie et en France
(raisin, poires, prunes, melons, pêches, olives, …)
↠ Bûcheron, nettoyage forêt et fendre du bois en Espagne
↠ Garder des chevaux en absence des propriétaires
↠ Charpentier et démontage de toiture en Norvège
↠ Aide à l’écorçage de troncs dans une scierie
↠ Couper des arbres, des haies et tondre des pelouses
↠ Débroussailler, bêcher, labourer le terrain des gens
↠ Faire des petits travaux d’entretien chez les gens
(tapisserie, peinture, électricité, plomberie, maçonnerie, …)
↠ Ramasser des canettes de soda consignées en Scandinavie
↠ Jouer de l’harmonica dans la rue dans tous les pays
↠ Me faire prendre en photo avec mon vélo dans la rue
↠ Vendre des photos que j’ai prise durant mes voyages
↠ Nettoyer les locaux des auberges de jeunesses
↠ Construire un sauna à l’extérieur à l’aide de matériaux recyclés
↠ Faire des traductions de documents ou menus de restaurant
↠ Vendre des vêtements d’occasion aux gens que je rencontre
↠ Aider la famille les rares fois où je suis rentré dire bonjour
↠ Laver des camions de pompiers dans la caserne
↠ Aider les associations à développer leur visibilité
↠ Ecrire des livres
↠ Vendre des objets artisanaux (sculpture sur bois)
L’argent, au centre des discussions …
L’argent, qui pourtant prend beaucoup de place au centre de nos sociétés, reste un sujet tabou. Mais la curiosité des gens est grande et ils m’interrogent quotidiennement. Tous obnubilés par l’argent, c’est ce que je croyais. Leurs questions m’ont longtemps excédé, avant de réaliser que c’est l’ignorance et le souci de compréhension qui les incitent à m’interroger. Je me suis alors apaisé et j’ai commencé à tenter de leur expliquer au mieux mes conditions de vie. Je conçois qu’il est difficile d’assimiler qu’il soit possible de voyager autant en travaillant aussi peu. C’est particulièrement vrai pour celui qui doit travailler toujours plus pour payer son logement et sa voiture, ou pour survivre en trimant toute sa vie pour un salaire de misère. Il m’arrive d’être embarrassé face aux plus démunis. Comment ne pas ressentir de la gêne en parlant d’argent avec ceux qui n’ont rien et vous offrent tout. Mon budget annuel, même faible, gagné en moins d’un mois dans un pays riche, peut heurter là où il faut travailler toute l’année pour gagner le même salaire voire moins. Mais le pire, et je m’en sens parfois coupable, c’est d’avoir la chance d’avoir un passeport français qui me permet d’aller presque partout sur Terre, alors que les gens face à moi n’ont même pas le droit de sortir de leur pays.
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